Vues de Ténès et d'Orléansville
Images de Ténès
Ma famille à Ténès
1er Episode: Ténès de mon enfance
A)Ténès : le pays où je suis né avec mes souvenirs d'enfance
Voilà : tout d'abord je suis né un 1er Mai, parce qu'il était hors de question que je travaille le jour de mon anniversaire ( ! ), dans un pays de l'autre côté de la Méditerranée. J'y ai vécu jusqu'à l'âge de 8 ans.
Ce passage de ma vie est encore tellement vivace que je pourrais retracer le plan complet et au détail près, les différentes rues de cette petite ville de Ténès ( au bord de la mer, 50 km au nord d'Orléansville, aujourd'hui El Asnam ou El Chlef) et endroits environnants... Issu d'aïeuls nés sur cette terre depuis au moins deux générations avant moi, j'ai passé cette enfance auprès de ma grand-mère qui m'a élevé..
Je garde de cette partie de l'enfance un doux souvenir dans la rudesse de l'époque mais dans l'affection accordée par cette femme et l'amour de ce pays à travers des paysages, des longues balades dans l'arrière pays, des habitants côtoyés qu'ils soient indigènes, amis ou de la famille...
J'aurais l'occasion de vous faire découvrir tout ça et de vous donner peut être une autre image de cette ancienne France et de ses habitants....
MES ARRIERE GRANDS PARENTS:
- Paternel : de Gaetano Originaires d'Italie , je ne possède aucune trace de leur vécu.
- Maternelle : - Lafage Joseph (originaire de Toulouse)
- de Lartigue Louise (originaire de Toulouse)
MES GRANDS PARENTS
- Paternels : - de Gaetano Théodore originaire de Résina (Naples)
- Genovesa Carmelle originaire de la région de Naples
- Maternelles : Yvars/Lafage Marguerite- Ramona : Originaire de Ténès
Ma grand'mère:
De parents nés sur cette terre d'Algérie, Marguerite Ramona Yvars/Lafage est née sur cette terre lointaine dans une famille très modeste et totalement intégrée à une population indigène. Une vie de dure labeur, on le devine aisément, pour essayer d'extirper d'une terre encore vierge les moyens de survivre.
A 19 ans, "on" lui donne l'occasion de quitter la montagne pour la ville (Ténès une bourgade de 2000 habitants ) et saisir la chance de sa vie : épouser un veuf de presque vingt ans son aîné avec trois enfants en bas âge ! Elle me donne alors mon grand-père que je n'ai pas connu et qui aura eu le temps de lui laisser 3 autres enfants, dont ma mère. Je dis "laisser" car sa santé précaire et son goût au jeu n'ont pas contribué à un apport financier suffisant pour nourrir six enfants !
Pourtant issu d'une famille noble, son destin aurait pu en être autrement .
En effet mon grand-père Joseph Lafage était issu d'une famille de haute noblesse car sa maman toulousaine née de Lartigue, une famille dont ma recherche sur ses origines remonte au moins au XIème siècle ! Après avoir épousé un notable de St Sauveur, à quelques lieues au nord de Toulouse, a dû se résoudre à changer totalement de vie. En effet une triste histoire de banque route, il ne restait au couple que de tenter l'aventure dans un pays à construire: l'Algérie ! Ils ont eu 8 enfants dont mon grand-père et la suite continue !
A son tour veuve, il ne restait à ma grand'mère plus qu'à mettre toute son énergie et sa débrouillardise à satisfaire ces six petits ventres creux !!
Pauvre, mais honnête: respectueux de son prochain et du Bon Dieu et quand le temps du travail est passé, on va aider les plus pauvres, car il y avait toujours plus malheureux dans ce "Pays de Cocagne" !
Je me souviens des enfants de son village de montagne qui venaient parfois frapper à la fenêtre: Mame Lafage, Mame Lafage!... Ma sœur, mon frère ou ma mère y lé malade... il faut qu't'y vient... il la mal di ventre..."
Alors, elle préparait un petit panier pour le parcours, sans oublier quelque ingrédient miraculeux et nous partions au petit matin par la Pointe des Blagueurs, descendions "La Grimpette"vers le Port de la Marine, traversions l'Oued Alalah puis suivions un long moment la route principale qui mène à Alger, saluions rapidement au passage une amie Madame Gato ainsi que ses amis les Molla, avec la promesse d'une visite plus longue... Quelques kilomètres plus loin, nous nous enfoncions dans la forêt d'eucalyptus et grimpions quelque sentier de sa connaissance pour arriver en début d'après midi dans ce qui constituait un village: c'est à dire quelques maisons bâties de terre sèche.
Je me souviens des cris d'enfants, des aboiements des chiens et de l'accueil réservé. Je me revois jouant avec mes petits camarades filles et garçons pendant que Mémée prodiguait ses soins avec les autres femmes. Ils étaient variables. Ses compétences médicales n'avaient rien d'académique mais elles répondaient à des connaissances et des expériences anciennes où se mêlaient spiritualité et médiumnité. Forte de ce savoir, elle pouvait soulager tant des maux de tête, des maux de ventre que d'éventuels accouchements puisqu'elle était souvent demandée un peu partout. Et vous pensez bien qu'étant son premier patient j'étais capable d'apprécier ses compétences !
Elle était même capable de soigner à distance et ma mère m'avait confié qu'elle avait acquis ce savoir, déjà par sa mère lors d'initiation le jour du Vendredi Saint !
Très solide sur ses jambes, elle semblait ne rien craindre et j'ai en mémoire avec des images assez furtives mais pourtant bien réelles un événement exceptionnel.
En rentrant d'une de ses consultations, nous devions presser le pas car le cas l'avait attardée et la nuit menaçait de nous envelopper. Nous descendions en pleine forêt un sentier en bonne déclivité. Je marchais à ses côtés, quand, sans comprendre la raison, j'ai senti une main qui m'agrippait pour me plaquer dans son dos tandis qu'une autre se saisissait d'une bonne branche ramassée au sol et en même temps un cri strident qui me glaça, déchirait l'espace. Quelques minutes de silence menaçant...Un vague râle... Une ombre qui s'en allait et j'ai su que Mémé m'avait protégé d'une hyène solitaire! Pas plus de hyène qu'autre être vivant n'aurait pu attenter à son petit fils. Non mais !!
...la suite plus loin...
La Porte de la Grimpette menant à la Marine, à gauche, vers le Port en face ou en direction d'Alger à droite.
La porte de la Grimpette ( en haut) l'Oued Allahla et la plage (en bas)
Sa notoriété s'étalait un peu aux quatre coins du pays. C'était alors l'occasion de longues balades du côté du Vieux Ténès, dans des villages au delà de la statue de la Vierge ou sur la route de Cherchell dans des lieux dits qui ont échappé à ma mémoire. De ces visites, nous ramenions quelques menus cadeaux, mais surtout le souvenir de regards pétillants de gratitude. Alors le cœur rempli de bonheur nous revenions doucement un bouquet de cyclamens à la main, sans manquer de faire provision et selon la saison, de fruits et de salades sauvages, de champignons ou d'escargots qu'elle avait le don de cuisiner à la manière d'un vrai cordon bleu.
Ses compétences en la matière étaient unanimement reconnues puisque, pour "aider à la gamelle", et je le soupçonne, accorder dev temps en temps, aussi une petite surprise à son "Michou". A 75 ans elle acceptait des travaux de ménage mais surtout elle prodiguait régulièrement ses talents chez des notables de la ville pour les grandes circonstances.
Il m'a été rapporté qu'elle avait même été complimentée par le Gouverneur Général de la République en visite au pays! C'est dire !
Mais moi, je me souviens surtout des soupes délicieuses, des escargots à la Farigoulette, et des omelettes aux asperges sauvages comme j'en ai plus jamais mangées d'autres !
Nous habitions un modeste appartement en rez-de chaussée au bord des remparts de la ville....
( Allez ... la suite une autre fois!...)
Je ne manquerai pas d'enrichir prochainement ces textes de photos souvenirs
la porte d'Orléansville à l'entrée de Ténès
La statue Vierge à la sortie de la ville.
... Une porte d'entrée engageait sur un couloir qui desservait à gauche un appartement, au fond une grande cour fermée toujours animée par des femmes musulmanes affairées à la cuisson sur un brûlot ou à une lessive dans un grand baquet. Tout cela dans un joyeux brouhaha. L'appartement de "Mémée" s'ouvrant à droite dans le couloir était constitué d'une pièce blanchie à la chaux envahie par la lumière de l'unique fenêtre à barreaux donnant dans la rue. De chaque côté, un lit de grande taille et le mien à rambardes métalliques . Contre un des murs, une immense armoire en chêne et au milieu une table recouverte d'une toile cirée. Dans le prolongement de cette pièce, sur la gauche, une deuxième pièce qui servait de cuisine et de buanderie éclairée par un fenestron donnant sur la cour intérieure. Sur un bâti servant au rangement des ustensiles, un petit réchaud à alcool et dans le coin au fond une cheminée permettait d'emporter les fumées occasionnées par le charbon de bois du fourneau.
Ma grand mère prenait souvent des colères car, par périodes, des martinets attirés je pense par la chaleur, n'arrivaient plus à s'échapper par le faîte. Alors je la voyais prendre un grand torchon pour les attraper et les remettre dehors par la fenêtre. C'était toujours des moments qu'elle désapprouvait et qui la faisait lâcher quelques jurons !
J'ai vécu dans cet espace plusieurs années avec elle. Je ne saurais situer l'instant mais ce temps partagé n'était pas fait de silence. De discussions, j'en doute, mais certainement d'un échange complice entre un petit enfant et une vieille personne que je ne saurais définir mais qui existait c'est sûr...
Lorsque je m'évadais c'était pour rejoindre et grappiller dans la cour quelques morceaux de galettes confectionnées par les femmes arabes ou bien me blottir à l'extérieur contre la porte d'entrée et laisser siffler dans ma grande cape, le vent d'ouest si puissant et si redouté des pêcheurs. Je restais ainsi de longues minutes sans vouloir répondre aux appels de ma grand'mère qui s'inquiétait et qui lassée d'appeler, au bout d'un moment ouvrait brutalement la porte extérieure, m'empoignait en me soulevant de terre tandis que l'abattoir de son autre main m'expédiait une claque gigantesque sur les fesses ! Je subissais alors une autre tempête !..
C'est vrai, je crois que je la cherchais un peu. Aussi, malgré mes fesses rougies et brûlantes, je ne lui en ai jamais voulu. La soupe était tellement bonne et le sommeil plus profond ensuite !...
Notre rue aux remparts A l'école maternelle ( genou au milieu en arrière plan)
Avant et jusqu'à la maternelle les sorties étaient simples mais nombreuses. Elle poussait vaillamment la petite poussette dans tous les endroits et visites qu'elle accordait à des parents ou relations du village: au marché qui était un lieu de rencontres et de discussions avec les maraîchers comme Mme Garcia qu'elle connaissait, ( Mme Garcia était un peu de la famille puisque ses 2 filles, Gilberte et Eliane s'étaient mariées avec 2 de mes oncles), les visites au cimetière sur la tombe de ses parents ou à la statue de la Vierge au delà des Portes d'Orléansville; un grand tour à l'Orangerie, espace de verdure et de paix derrière les portes ouest de la ville. Aux beaux jours une visite s'imposait à la crèmerie de mon grand père paternel ou un "Dis bonjour à ton grand père !" grave et sans équivoque ne me laissait pas le choix de m'exécuter sans délai !! Avec un sourire de soutien au coin de la bouche, mon grand père se faisait un plaisir certain de remplir abondamment un cornet de glace qu'il venait me présenter. Le bonheur était partagé. La réputation des "frères Panama" était connu de partout. Encore aujourd'hui certains se souviennent du fameux "créponné": un sorbet léger et savoureux et surtout inimitable! Ce succès était le résultat d'un long travail de patience et d'un tour de main exceptionnel. Tout se faisait bien sûr à la main. Les congélateurs n'existant pas, la prise de cette crème se faisait par l'application du froid des énormes pains de glaces qu'il fallait, au
préalable concasser et appliquer méthodiquement durant un temps bien précis...
La place principale et l'église et Monsieur le curé de la paroisse.
Les dimanches, un rituel s'imposait. Après la grasse matinée et la toilette hebdomadaire, il ne fallait surtout pas manquer à la messe dominicale. Je me souviens du curé, c'était un grand personnage avec un accent qui me surprenait et j'ai su ensuite que c'était ainsi que parlaient les gens d'Alsace, un lointain pays ...en France !!
Quelques fois, mais plus tard, l'après midi j'allais au patronage. C'était alors l'occasion de jouer avec quelques autres camarades au jeu du béret, du foulard ou de la balle au prisonnier. Les jours de grandes fêtes nous avions droit à la séance de cinéma. Le jeudi c'était souvent la projection d'images fixes sur les aventures de Tintin et Milou que le prêtre lisait en voix off. Ah! Tintin, c'était quelqu'un celui là !!...et le dimanche, avec toutes les familles réunies, un projecteur poussait son ronron pour projeter les aventures de Laurel et Hardy en muet ! Et ça ...c'était magique !
Mais parfois le rituel me confiait à mes grands parents paternels pour le repas de midi agrémenté le plus souvent du traditionnel plat de macaronis confectionné par mon autre grand'mère.
Je revois ce grand appartement, cette table centrale et le buffet avec un étalage de photos. J'étais particulièrement attiré par celle d'un de mes oncles appuyé sur un vélo de course . L'oncle Robert, la fierté de toute la famille! Je n'ai pas en mémoire ses titres mais c'était un champion et moi ça me fascinait !
C'était ensuite un repas de roi et je me souviens de l'expression ravie malgré l' handicap de mon grand père, à me voir dévorer, tandis que sa femme se lamentait toujours sur la suite de la vie ! Elle n' a pas laissé beaucoup de traces dans mes souvenirs et son manque de chaleur en hospitalité n'enchantait pas beaucoup non plus mes cousins et cousines!
C'est vrai que mon grand' père était plus attachant. Par son accueil qu'on sentait fier et chaleureux, son sourire complice, la bonne glace qu'il ne manquait pas d'offrir quand on lui rendait visite à la crèmerie ou bien au hasard d'une rencontre sa joie de capter ma réaction ( il était borgne depuis sa jeunesse, suite à un éclat de pierre) à sortir lentement de la poche de son pantalon une belle pièce blanche de 5 Francs ! Ultime récompense que je me voyais accompagné en coulisse d'un grave " Dis merci à ton Grand'père ! :" que Mémé ne manquait pas de me rappeler et que j'avais toujours intérêt à exécuter !!
D'autres dimanches... allez... la suite plus tard !!!
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3ème au 2ème rang à gauche
D'autres dimanches, en effet, il nous arrivait de prendre la "cabassette", de passer chez tata Juliette, de prendre au passage Christian et Jean Pierre Lafage, deux cousins adolescents et de prendre la porte ouest , descendre en direction de l'abattoir et suivre un bon moment la rive escarpée pour rejoindre quelques bons coins de pêche appréciés de Christian. Très débrouillard et déjà plein de connaissances dans l'art de la pêche à 15 ans, il s'occupait particulièrement bien de moi pour m'initier à son savoir et je garde un excellent souvenir de toutes ses attentions.
Alors avec mille précautions je descendais mon bout de fil bien appâté d'un morceau de sardine dans un trou bleu en attendant que ça morde!
Les prises ne manquaient pas, mais j'avais le chic, bien qu'averti, de me laisser surprendre par l'appétit glouton d'un poulpe ! Et c'était dans des cris perçants que j'essayais en vain de remonter le monstre! Alors, non sans tempester, Christian, mais souvent Mémé elle même se précipitait, s'emparait lestement de la bête qui s'agrippait à ses bras et dans un geste magique lui retournait la calotte. Ce qui laissait l'animal paralysé et moi avec !
J'étais prié alors de prêter meilleure attention... Mais quelque fois, dans mon observation, je le voyais bien ce poulpe qui surveillait mon bout de sardine !.. Je le voyais bien ce gourmand qui épiait ma réaction et moi, ça me fascinait de le voir allonger si lentement ses tentacules en les laissant glisser sur le fond du rocher...J’espérais bien lui substituer sous son nez ce qu'il convoitait mais il était toujours plus rapide que moi le bougre !..Enfin d'excellents souvenirs dans des lieux divers: ici le long de la Marine, là dans le port de pêche même ou dans quelque crique au pied du sémaphore, vers la Villa Paulette!
A la Villa Paulette et devant le salon de coiffure
Des sensations dans l'âme, des odeurs d'iode des poissons pêchés, des saveurs sucrées des gonades d'oursins me remontent toujours à ces évocations, mais surtout ces joies indicibles de revenir le panier rempli de si jolis poissons colorés et le cœur plein de joie en chantant.
Même Mémée poussait parfois la chansonnette! Seulement voilà c'est un peu parti de ma mémoire... Ah! si ...par exemple ...un refrain qui se terminait ainsi: " Ah! Ah!.. ne m'en parlez pas... jamais de l'eau dans mon repas !"... Ça vous donne une idée du supplément contenu parfois dans son panier ! ( Oh! Pardon Mémée !) Un air que je ne peux vous transmettre, le magnéto est dans la tête !!
Christian, malgré notre différence d'âge, me consacrait souvent des moments d'éducation par exemple dans l'élevage de vers à soie ou dans la capture d'oisillons. Il était passé maître dans l'art de cette chasse. La pose des pièges était toute une savante technique. D'abord il fallait s'acquérir des fourmis volantes, les fixer sur le crochet du piège, de tendre celui ci puis de le poser délicatement sur le sol. Ensuite avec d'infinies précautions le recouvrir de terre, de feuilles pour ne laisser dépasser que l'appât !...
Il possédait à merveille une autre technique dite de la glu.
Ah! là il excellait dans la débrouillardise! D'abord il fallait se procurer la glu... Pour cela il savait convaincre ses copains plus les plus gâtés de lui procurer des chaussures à semelles de crêpe. Perdues, cassées, usées: c'était leur problème pour les explications aux parents. Une fois l'acquisition faite, il fallait fondre les semelles et peut être même user d'un certain doigté pour la préparation finale. Enduire enfin des petites branches d'arbre pour que les pauvres malheureux volatils sacrifiés viennent s'épuiser vainement à essayer de s'échapper!
J'admirais beaucoup ce "grand frère" qui m'initiait à ses connaissances et si je lui exprimais mon ressenti face à ce carnage. Il savait balayer avec autorité mes scrupules!
Une foule de petits souvenirs de cet ordre ne manqueront pas de me revenir ....
Il nous arrivait parfois d'être invités à une fête arabe et je revois les grandes préparations culinaires. J'ai les narines encore tout imprégnées des parfums, des épices utilisés. C'est peut être pour retrouver ces impressions là que je vais avec gourmandise flâner quelquefois le long des boutiques orientales de Noailles à Marseille.
J'aimais observer les mains de ces femmes qui roulaient avec patience la semoule entre leurs doigts. Je ne sais pas pourquoi mais je trouvais ça beau !
J'étais toujours impressionné par les tours de mains agiles qui confectionnaient les pâtisseries: les makrouts, les zalabias et les sucreries sur les gâteaux.
Au bout d'un moment pourtant elles me renvoyaient jouer avec mes petits camarades.
Pendant les vacances d'été, Ténès se remplissait de touristes arrivant d'Alger ou d'Orléansville qui se trouvait à une cinquantaine de km de là. C'est ainsi que je retrouvais mes autres frères et sœurs pour quelques journées au bord de la plage avec le reste de la "famille Panama" réunie.
"La famille Panama"! ? Ah oui faut que je vous explique... Je pense que c'était une habitude "Pieds Noirs" que d'affubler chacun d'un surnom. Y'avait ainsi "Fifi Brind'acier" car il était maigre comme un fil de fer ! " L'homme Costaud" car il était fort comme un bœuf. Enfin toute une litanie de surnoms qui faisait que les identités de chacun se trouvaient déformées et c'est ainsi qu'il y avait le fils à Panama, la femme à Panama, le fils à Panama etc...J'étais donc...le Petit Fils à Panama et... Panama parce que lorsque mon grand-père paternel fraîchement débarqué de son village napolitain se présenta en public endimanché d'un magnifique chapeau latino-américain, il était évident que son nom se trouvait plus facilement prononçable ainsi ! .. et Panama c'est resté !...
Je retrouvais donc, avec beaucoup de joie ma famille pendant que mes parents professaient, pour satisfaire leur clientèle devenue touriste qui avait suivi de la ville voisine, dans un local partagé avec Antoine Fournièles un ami coiffeur pour hommes. J'étais un peu chouchouté par ma sœur ainée qui se trouvait être responsable de moi. Ce qui soulageait Mémée mais occupait passablement ma sœur en surveillance lors de promenades et baignades avec cousins et cousines de deux générations différentes. Toute une joyeuse colonie heureuse de se rouler dans les vagues de la Méditerranée!
La plage et le port de Ténès
L'été évidement toute la famille se retrouvait à Ténès puisque la mer offrait tant de bonheur: la plage, la pêche etc ...
Toutes les raisons étaient bonnes pour nous retrouver les grands comme les plus jeunes.
J'étais très lié avec Roger Lalanne, un cousin de mon âge mais surtout énormément attiré par une petite cousine vive comme l'éclair mais jolie... jolie à en pleurer ! Je la revois avec ses cheveux blonds que venaient mettre encore en valeur deux petits rubans blancs noués dans ses boucles dorées! Ses yeux clairs, rieurs et plein de malice me fascinaient ... J'en restais médusé, impressionné au point de, je le soupçonne, lui paraître un peu nigaud surtout face à ce cousin qui savait tellement parler aux filles lui !!
La vie nous a souvent réuni et je garde à son égard, encore aujourd'hui au fond de mon cœur, un peu de cette tendresse enfantine. Allez disons- le, un peu d' Amour. Je ne serais pas le premier ni le dernier à nourrir de tels sentiments platoniques envers une jolie cousine !!!
( je t'embrasse tiens !).
A l'âge de 7 - 8 ans, le petit air séducteur de mon cousin, auprès de filles me laissait interrogateur et envieux d'une telle aisance. C'est ainsi que je me souviens de ses conseils après l'avoir vu glisser un baiser à une de ses petites conquêtes lors d'une fête amicale à Pontéba.
"Voilà, c'est pas difficile" me disait il en me mimant la scène... "D'abord tu la regardes de côté, comme ça...et puis tu lui fais un coup d’œil...et après elle est pour toi"!
J'étais stupéfait de la facilité apparente d'une telle réussite. Mais je préférais rester à rougir dans mon coin dans la perspective de l'action à entreprendre!
J'étais un peu jaloux de mon cousin qui maîtrisait si bien tous les sujets. D'abord ses résultats scolaires, largement complimentés par rapport aux miens, faisaient que je gardais souvent un silence penaud en famille... et puis il côtoyait plus souvent que moi ma jolie cousine !
Orléansville et ses environs
Les aller-retours depuis Ténès étaient pour l'époque toute une expédition ! Il nous fallait prendre l'autocar rempli à ras bord de voyageurs qui surchargeaient par de gigantesques ballots en toile, le véhicule dans tous les recoins possibles ! Tout l'espace était occupé durant ce long voyage. Hommes femmes et enfants vivaient le temps du voyage leur vie... Une mère solitaire nourrissait son enfant, des hommes entreprenaient une longue partie de dominos tandis que malgré les immenses cahots de la route, d'autres s'époumonaient sur le toit du car à interpeller quelque connaissance le long de la route !
Un brouhaha indescriptible mais bon enfant qui, après avoir traversé et stationné de longues minutes à Montenotte, Chassériau, Warnier, longé un moment l'Oued Ouahrane, nous amenait épuisés à destination.
Mais des relations familiales nous faisaient bénéficier quelques fois d'un plus agréable confort dans un camion citerne de la Compagnie de carburants "La Stéline" que nous prenions devant la crèmerie de mon grand' père. A trois dans la cabine parfumée à l'essence et à la graisse mécanique, serré entre le chauffeur, la valise et ma grand'mère je pouvais admirer tout le paysage !
La Ferme
Ma grand'mère et moi venions le temps des vacances passer quelques jours à Orléansville. Je retrouvais alors Gigi, Gisèle et Roland qui vivaient avec mes parents.
La " Ferme" était un lieu magique pour tout le monde. Cousins et cousines avons tous conservé des souvenirs et anecdotes inoubliables. Nous y retrouvions toujours avec plaisir Sylviane, Gaby et Roger nos cousins, notre oncle Adrien Lalanne et notre Tante Carmène (une sœur à mon père), notre "Tata gâteau" à tous, tant son accueil, sa générosité, son éternel soutien à "ses Petits" envers les autorités parentales étaient grands!
Ce domaine que gérait mon oncle Adrien se trouvait à une quinzaine de km d'Orléansville après Pontéba.
L'immense propriété de Mr Attard, se situait dans une immense plaine riche de vignobles et de céréales. Un canal venait donner une note rafraichissante et arroser une vaste orangeraie et un peu plus au nord un jardin d'agrément où poussait les plus belles roses de la région entre autres. Un peu en retrait un corps de ferme abritait une écurie occupée par des chevaux de course en repos ou en convalescence, une basse-cour, des locaux techniques et un lieu d'habitation abrité d'une arcade se composait de deux chambres, d'une cuisine et d'une salle à manger.
A certaines périodes vacancières je retrouvais mon cousin Roger chez ses parents dans cet endroit magique appelée "la Ferme"
J'étais fasciné par son savoir sur les animaux de la basse cour . Il n'avait évidement pas peur d'approcher ou de caresser mulets et chevaux, qui me tétanisaient par leur envergure ! Mon cousin Roger maîtrisait à mes yeux tout un environnement agricole : animaux, machines, tracteurs et même un peu le personnel. Je le suivais partout....
Avec un petit air de propriétaire, il me faisait découvrir tout son environnement dans l' immense territoire que représentait le grand domaine qu'exploitait en gérance mon oncle. Un territoire de grande liberté ou nous n'avions rien à craindre et à profiter de tout ce que la nature et le travail des hommes nous offraient ! Des jardins garnis de légumes géants, des vignes, des oliviers, des orangers, des mandariniers, des abricotiers, des néfliers... nous tendaient leurs fruits gorgés de sucre et de soleil. Nous courrions transformés en explorateurs dans cette immensité à la rencontre des animaux ou des habitants.
Dans un coin à l'extérieur du bâtiment principal, un vieux tracteur à chenilles nous accaparait souvent et il nous plaisait de penser que nous arriverions à le déplacer. Alors à force de manipuler, triturer le monstre endormi, nous engagions une vitesse et en tournant la manivelle, je ne sais par quel miracle, nous n'étions pas peu fiers de le bouger d'un ou deux centimètres ! Victorieux, nous courrions alors vers d'autres découvertes !
Je revois avec bonheur le temps du début de l'année où les cigognes se rassemblaient pour de lointaines contrées européennes, le temps des moissons où les engins agricoles faisaient se soulever d'immenses nuages de poussière dans toute la plaine, le temps des vendanges où je ne comprenais pas que le foulage de multiples paires de pieds salies pouvait espérer , ensuite un breuvage délicat !...
...Les rencontres familiales étaient l'occasion de grandes joies collectives. Les oncles rapportaient le butin d'une chasse toujours fructueuse que les tantes s'empressaient de cuisiner en les assaisonnant de bruyants papotages!
Les grands cousins cousines allaient se rafraîchir près du canal et se fredonner les dernières roucoulades d'André Claveau et ballades d'Henri Salvador, tandis que Roger, Josiane et moi faisions des galipettes dans la paille de quelque meule ou recoin d'écuries.
Sous les grands eucalyptus, nous nous retrouvions à la tombée du jour devant une immense tablée jusque tard dans la soirée mais éclairée par des lampes à carbure qui sifflaient leur lueur bleue et où venaient se brûler le ailes de quelque papillon. . Puis, une bise respectueuse à toutes nos autorités, nous étions conviés prestement à rejoindre nos endroits réservés pour dormir tandis que la dernière bise à ma petite cousine m'aidait à m'assoupir dans un profond bonheur !
Ces souvenirs de la ferme me rappelle une petite aventure avec mon frère Roland. En vacances à Orléansville, je me souviens d'un après midi où la chaleur était si intense qu'elle avait contraint les parents à profiter d'un peu de repos. N'arrivant pas à les imiter Roland, qui était alors ado cherchait à nous occuper. C'est alors qu'il eu une idée géniale.
- Si nous allions faire un tour en bicyclette! me dit il
- Ah! oui je veux bien lui répondis je.
Et c'est ainsi qu'après avoir prévenu la femme de ménage, Roland se trouva à pédaler en me portant sur le cadre de son petit vélo vert. Comme un parfait hasard... ou une indicible attirance nous nous trouvâmes à prendre, dans un premier temps la direction de la sous préfecture, bifurquer sur la route de l'Orangeraie et nous retrouver sur la route de Pontéba. Cette route qui menait au paradis! La route était plate au bout de quelques petits kms Roland me dit:
- Et si nous allions à la ferme!
- Allez !...
La perspective m'avait évidement parcouru l'esprit mais c'était lui qui pédalait !
En avant ! Et c'est ainsi qu'après avoir traversé vignobles, cultures et quelques hameaux, nous longeâmes un certain temps la ligne de chemin de fer puis à l'endroit de l'olivier centenaire nous nous engageâmes dans un chemin poussiéreux, passâmes sous la voie ferrée et dévalâmes à toute vitesse la descente jusque vers les corps de bâtiments.
Toute la famille, fort surprise de nous voir arriver ainsi sur un vélo, nous accabla de questions. et de s'inquiéter de notre initiative sans que les parents soient au courant !
Enfin tout cela, en nous comblant de grosses tartines de pain couvertes de si bonnes confitures!
Quand nous décidâmes qu'il fut temps de repartir notre tante s'y opposa face à l'exploit qu'il fallait encore réaliser pour le retour!
Puisqu'il se trouvait qu'un technicien d'Orléansville était là, il suffisait d'attendre que son entretien avec notre oncle fut terminé pour profiter de sa camionnette. Tata se trouvait ainsi rassurée.
Mais cet entretien tarda un peu et nous fûmes embarqués alors que la fin de l'après midi se trouvât bien avancée... Face à la lenteur du véhicule et quelques arrêts techniques dans une ou deux bourgades, nous commençâmes à prendre conscience de l'inquiétude que devaient se faire Papa, Maman. Nous franchisâmes la porte de la ville que la tombée du jour assombrissait déjà l'horizon !
Les dernières longueurs à parcourir nous parurent interminables et nous imaginions l'accueil de notre père, et ses conséquences !!
Effectivement, nous avions à peine imaginé l'angoisse... car en poussant la porte d'entrée, nous nous aperçûmes le képi d'un gendarme ami en pleine discussion avec notre père!...
Une vague explication de Roland... un "allez dans la cuisine !" cinglant... un au revoir du gendarme rassuré et une conclusion finalement pas aussi physique que nous l'avions craint!
... Même si les occasions étaient rares, une certaine complicité existait entre les deux frères. C'était une référence ce grand frère! D'abord il travaillait bien à l'école!... Ensuite il était Scout de France et ça lui donnait le privilège de partir quelques fois en camp ! Et puis il savait faire du vélo, jouait merveilleusement aux billes et au noyaux d'abricots !!
Des jeux naïfs et simples occupaient parfois nos après midi. Sur quelque endroit plat nous tracions entre deux raies une route représentant le tour de France que nous aménagions de pièges ( prisons, hôpitaux, gages etc...) dans lesquels nos capsules de bouteilles de soda expédiées d'un coup de pouce devaient éviter pour parvenir en tête jusqu'à l'arrivée!
Ou bien après un orage ou le passage de l'arroseuse municipale, la rigole devenait un merveilleux lieu de compétition pour nos petits bateaux confectionnés à la hâte avec des bouchons et une feuille de micocouliers plantée en guise de voilure. Ils devaient alors affronter obstacles et rapides, dans un courant tumultueux, franchir des sous terrains au traversé d'une rue et se déclarer vainqueur juste avant de s'engouffrer définitivement dans le ventre de la terre!
Quelques fois nous rendions visite à son copain Aldo Naouri qu'il avertissait en sifflant "un clip" reconnaissable entre eux. Il habitait vers les remparts de l'autre côté de la Place Paul Robert sur laquelle nous nous retrouvions à flâner. Ils m'ont donné ici mes premières leçons de vélo et je les revois courant à mes côtés en me prodiguant leurs conseils afin de regarder droit devant et éviter l'obstacle que finalement je finissais lamentablement à cogner !
Mes rapports avec mes deux sœurs étaient différents. Je bénéficiais auprès de mon aînée de la plus grande attention tandis qu'avec la cadette, cela était plus conflictuel et comme elle jouissait d'une indulgence d'artiste ( ! ) tant ses démonstrations de "Petit Rat" charmaient les clientes au salon de coiffure, cela me valait des répliques des parents pas souvent à mon avantage à mon gré !
Roland avec les scouts
Gigi, ma sœur aînée entourée de Roland, Gisèle et moi à gauche.
A Orléansville, je rendais visite à un autre cousin de mon âge, Pierre. ....
...C'était un devoir que de rendre visite à mon oncle Joseph. Un devoir auquel veillait mon père qui estimait que les divergences entre frères ne devaient en aucune manière regarder les enfants ni entamer "l'Esprit de Famille"!! Mais c'était pour moi l'occasion d'être toujours accueilli magistralement par mon Parrain, ma tante Juliette, mes charmantes cousines Carmène et Jeanine et mon cousin Pierre de mon âge.
Mon oncle, très souvent aidé de son frère Robert, tenait le Café Apollon situé en plein centre ville. Ah! une référence à Orléansville !
En Algérie la réputation d'un tel établissement était proportionnel non seulement à son accueil mais aussi et surtout à la qualité de sa "kémia"!
"Kes ki dit suilà ? ! Kémia?" ...Ah! Évidemment ça ne pas être compris par tous les "Patos" de France ! Mais apprécié... sûrement ! C'était une coutume que de présenter sur le comptoir dans un petit ravier et avec l'anisette traditionnelle, tout un assortiment de fruits secs salés: cacahuètes, amandes, noisettes, pistaches ou bien cuits et assaisonnés au cumin ou à l'harissa: pois chiches, fèves...
Mais la compétition était rude entre cafetiers et ils rivalisaient de talents à confectionner les assortiments les plus divers avec tomates, aubergines, escargots pimentés cuisinés longtemps à l'avance avec un talent de gastronomes ! Ah! si vous aviez connu ces odeurs qui se dégageaient des grandes marmites!... Et la fierté de la satisfaction du client !
Tout le monde participait à la préparation et les coups mains occasionnels étaient les bienvenus !
J'étais bien gâté par tout le monde. A Noël, mon oncle me réservait toujours un cadeau et je passais des journées entières à jouer avec Pierre qui, avait la chance suprême de posséder un joli vélo vert ! C'était alors l'occasion de nous lancer des défis. Nous nous chronométrions à faire le tour du pâté de maisons au grand dam de la boulangère Christiane Rey, des clients du Café ou des différents artisans installés que nous épouvantions à chaque passage devant leur boutique !
Mes oncles poussaient bien un peu la voix, mais bizarrement ça manquait de conviction ...et nous reprenions de plus belle !...
Je retournais, le cœur un peu gros, triste du déjà fini mais super heureux, de l'affection de mes jolies cousines ( eh oui ! J'ai toujours eu la chance de n'avoir que des jolies cousines ! )... et du moment passé avec Pierre !
L'esprit de famille était très puissant chez tous mes oncles et tantes. Malgré un différent qui les opposait, mon père et son frère Joseph ne transpiraient jamais leur désaccord devant les enfants qui se devaient de les respecter affectueusement... Un différent qui durait pourtant et dont les conséquences devaient les faire souffrir tant leur lien fraternel avait été par le passé puissant. D'abord pour subvenir en tant qu'aînés et donc au soutien responsable du reste la fratrie si grande et puis parce qu'ils avaient enduré des moments particulièrement pénibles dès leur vie d'adulte.
Durant les années noires de la dernière guerre, ils avaient été mobilisés, évidement et sans état d'âme dans l'armée française et reconnaissants à la "Mère Patrie" de l'accueil réservé à leur parent d'origine étrangère. C'est ainsi qu'ils se sont retrouvés tous deux en Tunisie où les affrontements avec les armées germano-italiennes étaient sporadiques.
Pour autant malgré cette preuve patriotique, ce n'est que par l'intervention d'une relation importante qu'ils ont évité de justesse le peloton d'exécution!
Un après midi les gendarmes se sont présentés chez leur parents. Ils les recherchaient pour désertion!!
Malgré les explications et suppliques de parents et famille solidaire, ils furent longuement recherchés à nouveau et découverts plus tard ... où ça ? Et bien tout simplement à leur casernement !!
Ils furent bien entendus enfermés pour désertion et risquaient donc la sanction suprême en ces temps de haine. Pensez, des prénoms français certes, mais avec un nom pareil, c'était louche !.. Après plusieurs semaines de cachot, ils furent libérés et ont pu profiter d'une longue suite de la vie ! C'était moins facile à cette époque d'invoquer leur droit de fils d'immigrés!!!
Depuis leurs descendants ont participé docilement aux devoirs civiques et militaires sans caillasser les gendarmes ou les pompiers de leur quartier !! ...Autre temps, autre conceptions !!...
On apprit bien plus tard qu'ils avaient été dénoncé par un habitant, jaloux qu'ils puissent posséder deux statuts de commerce non encore enregistrés officiellement. Cette information leur fut déclarée par le dénonciateur lui même, pris de remords face à l’injustice qu'il avait créée ! Alors ça, reconnaissons là une attitude noble et difficile à concevoir à notre époque !
....ça vous plaît ? Bon allez la suite...plus tard !!
Les années ont passé et les rancœurs avec. Les réunions de famille sont encore bien présentes à tous et leurs embrassades nous ont souvent fait monter les larmes aux yeux.
A Orléansville vivait également un frère à maman....
à suivre...
Marcel et Paule Lafage
L'oncle Marcel était assureur et possédait une somptueuse maison un peu plus haut que chez nous dans la rue du Docteur Bouteloup. Tout un cérémonial accompagnait les visites que nous lui consacrions. Bien proprets dans des habits endimanchés, nous nous devions de faire honneur à un personnage qui avait un rang à tenir parmi les notables de la ville. La table était dressée avec des couverts en argent et disons le, nous étions très impressionnés mais également empruntés de devoir déjeuner comme nous l'avait recommandé les parents. Roland, le plus sage d'entre nous, veillait sur ma sœur cadette et moi même en nous lançant des gros yeux tandis que maman le soutenait de son regard.
Cette attitude quelque peu cérémoniale, imposée par notre oncle devait avoir quelque origine aristocratique. En effet mon grand père était issu d'une famille notable de la région toulousaine. Son père, mon arrière grand père Lafage donc, avait épousé Louise de Lartigue une aristocrate élevée dans la tradition issue de l'ancien régime dans son déclin. Son histoire est passionnante entre une éducation de rigueur, d'obéissance, élevée dans un rôle à tenir envers la famille et un rang à tenir dans la société future, avec l'espoir d'une vie toute tracée et qui par les affres de la vie se retrouva avec huit enfants dans l’Algérie de la conquête coloniale.
Bref, il devait rester quelque chose de cet héritage aristocratique à notre oncle tant dans son port altier que dans ses habitudes quotidiennes.
A suivre...
Ma mère avait toujours quelque fierté à l'évocation de cette descendance. Un rang, une notoriété qu'elle aurait certainement aimer vivre, elle dont l'enfance fut tellement difficile.
Un cousin descendant de cette lignée a très bien su retracer dans un document la vie mon arrière grand-mère.
A voir cette vielle photo on imagine facilement la beauté de cette élégante personne.
Une autre anecdote à laquelle je ne participais pas m'a été rapportée par ma sœur aînée.
" Je me souviens, c'était dans leur bungalow - à la villa Paulette - ils nous avaient invités à déjeuner ??? Ce dont je me rappelle c'est qu'il y avait des sardines à manger. Avec Roland nous nous regardions pour savoir comment prendre ses bestioles! (surtout sans se servir des doigts) Je crois que nous n'avons jamais autant mangé d’arêtes... L'oncle a éclaté de rire devant notre panique l'oncle et la tante ont eu pitié de nous et ont fini, avec d'infinies précautions, par nous "dépiauté" nos poissons !"
La France
La première fois que j'ai entendu parler de la France c'était durant un séjour à Orléansville. Au mur de la salle à manger, il y avait quatre cadres auxquels je n'avais porté un intérêt particulier, mais qui un jour ont totalement changé mes perspectives d'avenir.
Quatre cadres qui représentait chacun une saison. Quatre saisons donc dont je ne pouvais imaginer l’existence puisqu'elles n’existaient pas avec autant de puissance dans ce pays.
Un jour ma mère nous fit remarquer :
" Voyez, c'est comme ça la France !! Et ce serait bien si nous pouvions y aller !!" A partir de cet instant je n'ai pas cesser de regarder et détailler ces différents tableaux représentant un paysage bucolique où deux enfants s'égaillaient: au printemps les bras chargés de fleurs des champs multicolores, l'été à l'abri de l'ombre bienfaitrice d'un immense chêne, l'automne avec des paniers remplis de fruits qui m'étaient étrangers et l'hiver avec un paysage blanc chargé d'une matière qui m'interrogeait. "De la neige m'avait" dit ma mère! "Si tu savais comme c'est beau! "
Et c'est ainsi que tout doucement puis avec une certaine impatience je succombai au grand désir de connaître enfin ce pays merveilleux!
Un jour mes parents, en visite à Ténès, sont venus me demander:
- Viendrais tu avec nous si nous partions habiter en France, tu sais, le pays que je t'ai montré sur les tableaux ?
- Oh oui je viens.
Je n'avais pas pris conscience de la tristesse dans laquelle je venais de plonger ma Mémée. Je garde pourtant gravé dans ma mémoire, ses mots répondus à l'épicier Benazar qui l’interrogea à ce sujet:
- Voilà,...Vous voyez on les élève et après ils vous laissent ! "
Cette phrase lancée par désespoir me culpabilise encore aujourd'hui et je me mesure combien sa peine avait dû être grande de devoir perdre son petit Michou!
Mais voilà, une grande aventure s'ouvrait devant moi. Cette acceptation enthousiaste me faisait entrevoir un nouveau monde fascinant...
Je n'ai jamais plus revu ma grand'mère, mais je suis retourné quelques petites années plus tard sur sa tombe.
Rassure toi Mémée, ce que tu m'as donné, je ne l'ai jamais oublié. Toutes les valeurs que tu m'as inculquées je les ai fait grandir tout au long de ma vie et je crois que si nous nous croisons un jour dans" l'immensité" tu pourras être fier de moi...
Fin de l'épisode Ténès
à suivre ...